jeudi 28 mars 2024

Art Hine By Noguier

Zoom sur ces artistes qui manient la plume aussi bien que le pinceau. Maryse Noguier maîtrise l’art de l’autoportrait. Elle nous l’a brossé en toute intimité. Un hier à aujourd’hui livré en quelques lignes restituées ici.

Good morning Madam

Elle, c’est Maryse Noguier, bien dans sa tête et dans son corps, malgré quelques douleurs lombaires. Née à Douai dans le Nord de la France, ses parents sont Roger Bourlet et Micheline Dubreucq.

Ils l’ont élevée de manière assez stricte dans le respect des valeurs chrétiennes sans pour autant être des catholiques pratiquants. Ils lui ont inculqué le respect d’autrui, de la parole donnée, également donné le goût du travail et de l’effort.

«  Je me souviens seulement que j’avais hâte de grandir pour être libre de mes actes. »

Car Maryse a deux passions l’anglais et la peinture. Licence d’anglais en poche, elle se préparait à partir comme lectrice à l’Université de Galway en Irlande. Sa passion de l’anglais lui est venue après un séjour linguistique en Angleterre à l’âge de 14 ans. Elle a adoré le mode de vie britannique, les Beatles, la mini-jupe et surtout l’ouverture d’esprit et la tolérance qui régnaient dans la famille où elle était.

« C’est cette passion qui m’a poussée à faire des études d’anglais. Pendant plus de 10 ans, je n’ai lu que des ouvrages anglais. »

Avant d’entrer à la fac d’anglais de Lille, elle a préparé Hypokhâgne et Khâgne dans un Lycée de Douai. Elle n’a pas intégré Normale Supérieure mais a été admise en année de licence à l’Université de Lille. Elle a poursuivi en Maîtrise, en passant sa deuxième année en Irlande comme lectrice.

« Puis en 2005, j’ai renoué avec des études pour un DEA de linguistique auprès de la Sorbonne sous la houlette du Professeur Dunis de l’Université de la Polynésie, lequel DEA m’a valu les félicitations du jury. »

Ces études l’ont tout naturellement dirigée vers le professorat d’anglais. Après plusieurs remplacements dans divers établissements, elle l’a enseigné pendant 30 ans au lycée Agricole d’Opunohu sur l’île de Moorea.

Pourtant ce n’est pas ce à quoi elle aspirait. Elle aurait voulu être traductrice, toutefois pour cela, il aurait fallu qu’elle intègre une école de traduction mais ses parents ont estimé alors qu’elle avait passé assez de temps sur les bancs d’école.

Elle a toujours porté en elle l’envie de peindre mais celle-ci a été mise en sommeil pendant son adolescence où elle a été invitée à se consacrer à ses études et ensuite aux prises avec ses débuts professionnels et sa vie de mère, elle n’a pas trouvé le temps de s’y consacrer.

Néanmoins elle dresse un bilan tout à fait positif de ces années d’enseignement qui l’ont énormément enrichie par le contact avec les élèves et qui lui ont permis de communiquer sa passion de l’anglais à certains d’entre eux.

C’est aussi ainsi en 1987, alors qu’elle enseignait au Collège d’Afareaitu qu’elle a rencontré un professeur qui peignait pendant ses loisirs et qui lui a montré le matériel à se procurer pour l’aquarelle. A partir de cette date, elle a peint sans relâche, à chaque fois qu’elle avait un moment de libre.

« Maintenant que je suis à la retraite, j’ai réalisé mon rêve, je peux consacrer l’intégralité de mon temps et mon énergie à la peinture. »

Ce bleu qui fait mal aux yeux

Car sa plus grande peur est de devenir aveugle, de ne plus pouvoir s’émerveiller, ressentir la beauté de ce qui l’entoure. « Je fais ce cauchemar de manière récurrente. » Pour Maryse, l’art est la transcription d’une émotion esthétique authentique. Elle s’attache à ce que ses aquarelles procurent le sentiment de joie, de plénitude qu’elle a elle-même éprouvé. Elle n’est pas une artiste torturée. Elle gomme tout ce qui peut venir déranger l’harmonie.

« A partir de 1987, user du pinceau m’est apparu une évidence. »

C’est installée sur sa terrasse regardant le lagon qu’elle peint, parfois en musique, toute la journée. Il lui arrive aussi de partir à la recherche de sujets. Etant autodidacte elle a eu toute la liberté possible pour suivre ses envies, pour traiter les sujets qui la touchaient, les émerveillements devant les paysages ou encore l’émotion ressentie devant les petits farepunu1 et de le faire avec ses moyens et sa sensibilité. Elle a peint et sa peinture a trouvé un écho.

« J’ai le sentiment d’avoir de la chance d’appartenir à une communauté d’artistes sympathiques aux talents aussi variés. Ils ne se prennent pas la tête. C’est facile d’échanger avec eux. »

Elle est de ceux qui pensent qu’un artiste du 21ème siècle est différent dans la mesure où il a à sa disposition davantage de choix dans les techniques pour s’exprimer. C’est exponentiel. Et puis les artistes d’avant ont fait tomber tant de barrières au fil du temps qu’il est absolument libre de peindre comme il le veut.

« J’aime beaucoup Turner du XIXe siècle et Georgia O’Keefe du XXe. »

Son sujet de prédilection ? La femme polynésienne dans les différentes facettes de sa vie, l’artisanat, la danse, le marché, la pêche, les tifaifai2, en portrait couronné, ou dans son environnement.

En d’autres termes, elle montre la place importante que la femme polynésienne occupe dans ce pays. C’est pour elle une source d’inspiration inépuisable. Et c’est pour ça que ce n’est que justice qu’on lui rende hommage.

Si ses tableaux montrent une vision idéalisée de la Polynésie, celle dont on rêve et qu’on ne voudrait pas voir disparaitre, elle n’en est pas moins dénuée d’authenticité. Elle aime les détails qui à son sens font l’authenticité.

Par ailleurs, elle est très attachée à la technique de l’aquarelle avec ses pigments transparents car elle lui permet de rendre la lumière éblouissante du fenua, la luxuriance de la végétation et l’éclat des lagons, « le bleu qui fait mal aux yeux ».

Elle conclu en encourageant les artistes en devenir piqués au tiare de suivre leur passion, de peindre et peindre encore. « C’est en peignant qu’on devient peintre et de rester fidèle à leur vision. »

1 Farepunu : maison en tôles
2 Tifaifai : patchwork

Crédit photo : Maryse et Galerie Winkler

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