vendredi 29 mars 2024

« Han », débrouille-art

« Je voulais voir s’il était possible de vivre de ce que je pouvais créer de mes mains ». HAN, de son vrai nom Hanaiti Mariassoucé, a 22 ans. Son super pouvoir ? Artiste. Elle ne fait pas que créer, elle en vit. Et se débrouille plutôt pas mal. Une tranche d’art dans laquelle nous vous invitons à croquer.

« Atelier du Fenua »

Parcourir les lignes qui vont suivre, c’est comme parcourir un programme exotique diffusé un dimanche matin à la radio, les ondes provenant du Pacifique. Hanaiti Mariassoucé, « HAN », bien que benjamine dans le milieu de l’art polynésien, est tellement maitre.

C’est la mer qui lui donne cette assurance. Enfant, elle avait pour terrain de jeu, une bande de sable où elle se rendait chaque fois qu’elle le pouvait. L’Océan Pacifique était son refuge. Elle l’a plusieurs fois croqué, dessiné, crayonné.

« J’ai grandi en bord de mer. Ma tante, la sœur de ma mère m’emmenait souvent avec elle, après ses cours, plonger devant la maison avec un masque, « voir les petits poissons ». J’adorais ça, j’étais enfant unique et mes parents travaillaient beaucoup. Du coup, j’appréciais beaucoup ces moments ».

Deux décennies au cadran de la vie plus tard, la jeune « Han » fréquente les bancs du Centre des Métiers d’Art après un passage en Science et Technologie des Arts Appliqués au Lycée Samuel Raapoto de Arue. « Je voulais voir s’il était possible de vivre de ce que je pouvais créer de mes mains. » nous confit-elle.

Pari réussi, la voilà artiste diplômée, à la tête d’une entreprise à produire des bijoux dans un monde où l’art est divertissement pour certains, quand il est source de richesse pour d’autres. Elle affirme qu’il suffit de trouver le bon médium pour s’exprimer.

« De toute façon la vie est dure, alors autant mieux prendre plaisir à ce qu’on fait, cela permet d’apprécier ce long chemin qu’est la réussite. Moi j’ai encore de la distance à parcourir. Ma plus grande peur était de m’investir à 100% dans un projet qui n’aboutira jamais. Mais je l’ai surmonté le jour ou « Atelier du Fenua » a vu le jour. »

« Dessiner ça ne sert à rien ! Ça ne mène à rien ! »..

Si on lui dit Art, elle répondrait « Expression ». Elle trouve que le meilleur moyen de connaître une personne, c’est à travers les musiques qu’elle écoute ou ses créations. C’est le meilleur moyen d’entrer dans son monde.

« La première fois que j’ai réellement peint, c’était pendant un stage de peinture avec des artistes Tongiens, au Centre des Métiers d’Art. Étant donné que mon domaine de prédilection est les fonds marins, il était bien temps d’y mettre des couleurs et de rendre justice à toutes ces nuances qui composent notre océan pacifique. »

« Han » a toujours pu compter sur le soutien de ses parents. Son père, enfant, avait souffert de phrases lâchées comme « Dessiner ça ne sert à rien ! Ça ne mène à rien ! ». Les facilités évidentes au dessin qu’il a transmis à sa fille, font aujourd’hui sa fierté. Elle organise son quotidien autour de l’art.

« Vers 10h30 à peu près je vais à l’atelier. Je réalise ce que j’ai croqué la veille au soir. Et ça je le fais jusqu’à tard la nuit. Quand on fait ce qu’on aime, on ne voit pas le temps passer. »

Faire partie aujourd’hui de cette famille d’artistes, c’est très inclusif selon « Han ». Et, évidemment que de passer de simple spectateur à une exposition, à collègue de travail c’est gratifiant. « J’ai toujours un peu suivi ce que des artistes comme HTJ ou encore Caneto pouvait faire. C’est comme les voir, mais d’un peu plus près. » Lâche-telle suivi d’un rire.

On attend du monde des arts de ce 21è siècle une ouverture d’esprit et une compréhension sans limite. Pour « Han », il est clair que ce n’est pas le cas. Elle dit que ce siècle est celui de la dénonciation. Où ces sujets, la plupart du temps occultés, sont mis à jour. « Du coup, quoi de mieux que de faire des œuvres engagées. Je suis une jeune femme, une artiste et en plus j’ouvre ma bouche ! Les autres époques ne sont pas célèbres pour avoir laissé les gens s’exprimer. » C’est donc tout naturellement que l’Art nouveau s’est imposé à elle.

Un choix qui tape dans l’œil des connaisseurs. Son travail est reconnu mieux, il participe à rassembler des femmes artistes de Polynésie. Un rapprochement en faveur de la préservation des océans. Avec ses toiles, elle place le public face à ses responsabilités.

« Ils sont un mélange de fond marin, de motifs de l’archipel de la société et d’une petite touche de « glauque ». Afin de mettre en opposition la beauté, les couleurs et la vie foisonnante des fonds marins. A la mort causée par la pollution maritime. »

Que souhaiteriez-vous que l’on retienne de vous ? « Han » réfléchie un instant. « Je n’ai pas vraiment la réponse à cette question. Rien que le fait d’être vu est encore incroyable à mon échelle. Mais je dirais plutôt que j’aimerai que les gens retiennent que je suis la fille d’un peuple de l’eau, qui voit son élément périr petit à petit et qui essaye de faire bouger les choses. »

Habitée par sa foi en elle-même, elle se rappelle le nombre d’occasions qu’elle a laissé passer faute de s’être « bouger les fesses ».

Pour conclure, je dirais qu’il y a toujours une petite partie du vécu d’un artiste dans son œuvre, lorsqu’il est investi dans ce qu’il fait. Au pire si cela ne fonctionne pas, cela vous fera avancer. Toute critique constructive fait toujours avancer un artiste ! Croyez en vous ! Soyez votre premier fan ! »

Crédit photo : Han et Galerie Winkler

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