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mercredi 9 octobre 2024

Jérémy Gobé, artiste éco-responsable œuvrant pour la protection des coraux

Entre tradition et technologie, Jérémy Gobé, artiste pluridisciplinaire reconnu, allie art, science, industrie et éducation pour répondre aux enjeux écologiques contemporains. Il a fondé Corail Artefact dans le but de régénérer la barrière de corail grâce à la dentelle.

Pouvez-vous vous présenter en nous expliquant votre démarche artistique ?
Je m’appelle Jérémy Gobé, je suis artiste plasticien et à travers mes œuvres je relie le passé le présent et l’avenir en puisant mon inspiration tant dans les savoir-faire traditionnels que dans la nature afin de créer des œuvres en résonance avec nos enjeux contemporains.

Vous avez créé Corail Artefact qui vise à sauvegarder les barrières de corail menacées d’extinction. Comment est né ce projet ?
En 2017 j’ai été invité par l’association HS-projets pour réaliser une œuvre dans le cadre de leur événement, le Festival International des Textiles Extraordinaires. J’ai cherché un savoir-faire inspirant local (région aux alentours du lieu d’exposition : Clermont-Ferrand) et j’ai découvert la dentelle au fuseau, et notamment le motif traditionnel de cette technique qui s’appelle le point d’esprit. J’y ai tout de suite vu une ressemblance avec le dessin d’un des squelettes de coraux que j’utilisais dans mes œuvres depuis 2010 (série corail Restauration). Depuis un moment, je réfléchissais à comment mes œuvres autour des coraux pourraient les aider, vu leur préoccupante situation de dégradation. La rencontre avec cette dentelle a été un flash, j’ai tout de suite imaginé m’en servir comme support de régénération des récifs. Depuis j’ai listé l’ensemble des menaces pour le corail et réfléchi à des solutions alliant art, science, industrie et éducation pour répondre à chacun de ces enjeux.

Vous avez travaillé sur une dentelle 2.0 et développé un béton purement écologique, quel sera leurs fonctions ?
La dentelle doit servir de support, de filet de captation pour les larves de coraux, donner un coup de pouce à la régénération naturelle des récifs en danger.
Le béton écologique lui doit servie à reconstruire les récifs disparus, détruits par les activités humaines comme la pêche à la dynamite ou encore le BTP.

Considérez-vous Corail Artefact comme une œuvre ou un projet d’utilité publique ?
C’est justement l’alliance de ces deux idées : associer la création artistique au bien commun.

Vous utilisez principalement le textile pour sculpter, d’où vient votre attachement au textile ?
C’est d’abord une matière qui crée du lien, un vecteur de transmission que chacun connaît et avec qui nous avons tous un rapport privilégié. C’est aussi la matière qui était présente autour de moi lors de mes études d’art. Je suis né dans le nord de la France et ai étudié en partie en Lorraine, deux régions de production textile en danger et cela m’a beaucoup influencé : comment perpétuer ces industries, ces savoir-faire ? Pour moi, en les alliant avec des enjeux contemporains.

Jérémy Gobé - La liberté guidant la laine Installation - Pontmain(2018) - Crédit photo Marc Domage
Jérémy Gobé - La liberté guidant la laine Installation 8 (2017) - Crédit photo Bruno Boisson
Jérémy Gobé - LA LIBERTE GUIDANT LA LAINE INSTALLATION 11 7 - Crédit photo D.Drouet
Jérémy Gobé « La liberté guidant la laine Installation » Pontmain(2018) © Marc Domage / © Bruno Boisson / © D.Drouet

En parallèle à la régénération du tissu corallien, vous êtes sensible à la disparition du tissu industriel textile français due à la délocalisation des usines et à la perte du savoir-faire artisanal.
Comment créez-vous un lien entre tradition, création et technologie ? C’est je pense en équilibre entre respect des savoir-faire et innovation qui permet aux connaissances de se transmettre et de passer les époques. Les savoir-faire sont une richesse de connaissance et de technique, une base incroyable pour innover. Il faut d’abord être humble, apprendre, comprendre ces techniques et une fois ces connaissances acquises, on peut leur faire faire un pas de côté et selon le but, pour moi faire évoluer la société, on peut trouver grâce à cela des idées et comment les matérialiser.

Que vous a apporté la collaboration avec les artisanes réfugiées de la Fabrique Nomade soutenue par LVMH ?
C’était un échange d’une richesse rare. Chacune ayant à la fois une grande technique et un parcours incroyable, un élan créatif d’une grande force malgré les épreuves. Nous avons autant créé qu’échangé ensemble et c’est là la marque pour moi d’une collaboration plus que réussie et je suis très fier du résultat également.

Chacune de vos créations nécessite-elle un long travail d’élaboration et de recherche ?
Rien n’est systématique, parfois c’est une évidence dans la forme mais la réalisation est complexe car les matériaux où les techniques n’existent pas et là il faut inventer, créer des productions tout en respectant un cahier des charges en lien avec la nature, … Parfois c’est l’inverse, je suis inspiré pour créer une matière ou encore une technique mais la forme n’est pas encore présente, et parfois tout est aligné dès le départ.

« Les savoir-faire sont une richesse de connaissance et de technique, une base incroyable pour innover »

Vous avez fait un bac scientifique et une école d’architecture avant les Beaux-Arts, ces trois domaines vous servent-ils pour réaliser vos installations ?
Tout à fait, le protocole scientifique comme l’étude des équilibres et des forces qu’apporte l’architecture sont des atouts pour sculpter l’espace, pour avoir un certain pragmatisme également qui permet à des rêves de pouvoir être réalisés et ne pas rester simplement dans l’imaginaire, pouvoir le partager avec les autres en les concrétisant, c’est ça mon but et tous les éléments de mon parcours m’y aident chaque jour.

Vous avez lancé également des actions de sensibilisation pour la préservation de l’environnement auprès des scolaires et du grand public. Souhaitez-vous que vos œuvres déclenchent une prise de conscience éco-responsable ?
C’est l’un de leur but en effet, informer, sensibiliser car l’art est un vecteur formidable de sensibilisation mais seule, cette fonction ne serait pas un but en soi. Je veux aussi inspirer, montrer qu’il est possible de proposer mais aussi de faire si l’on croit assez en soi et si l’on travail assez, peu importe d’où l’on vient. Corail artefact est un tout, chaque action est liée aux autres.

Travaillez-vous sur d’autres projets reliant l’art, la science, l’industrie et la nature ?
Oui mais pour le moment ils sont encore en développement. J’aimerai beaucoup avancer sur le solaire ou en tout cas l’énergie qui est un enjeu important à mon avis.

Comment élaborez-vous vos futurs projets et comment trouvez-vous de nouveaux partenariats ?
Il y a toujours une phase d’écriture, de mise en forme de l’idée et ensuite je recherche les partenaires en fonction, je les contacte simplement via leur site ou les réseaux sociaux. Ensuite il y a une phase d’explication, de découverte pour chacun et si le feeling et les compétences sont là, je recherche les financements et l’expérimentation peut commencer.

Comment imaginez-vous l’art dans 10-20 ans ? Pensez-vous qu’il y aura une vague d’éco-artistes ?
Difficile à prévoir et surtout il y a pour moi autant d’artistes que de formes d’art. J’espère en tout cas que nous allons nous orienter vers un art qui démontre que la créativité est essentielle pour répondre aux enjeux de demain et pas seulement pour dénoncer ou pointer du doigt. Il y a déjà un bon nombre d’artistes qui tisse du lien social, qui donne de leur temps pour réaliser des ateliers, des projets en lien avec le territoire… J’espère qu’ils seront soutenus par les instances pour poursuivre leur action de terrain, moins visible mais extrêmement importante.
Pour l’aspect écologique, j’espère en tout cas que de plus en plus d’artistes vont s’emparer de la question de leur matière et de leur impact sur l’environnement. Ce n’est pas facile au quotidien mais je pense que le milieu de l’art à la force pour montrer l’exemple.

http://www.corailartefact.com

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