vendredi 26 avril 2024

Renaud Hantson, émotions
de rockeur

Blouson de cuir, bagouzes aux doigts et tatouages sur la peau. Après 40 ans de carrière, l’esprit rock guide toujours la vie de Renaud Hantson. Quatre décennies pendant lesquelles il enrichit son répertoire : du métal à l’opéra-rock, en passant par la pop. Cette diversité musicale lui vaut le soutien de Michel Berger dans les années 80. Mais l’ascension est de courte durée, brisée par la drogue. Un éternel combat s’engage contre l’addiction, aussi fort que celui qu’il mène pour la musique. Fin mai, l’artiste rempile avec un nouvel album solo. Témoignage d’un rockeur repenti.

Tu sors un nouvel album intitulé Tatoués à jamais. Qu’allons-nous découvrir ?

Il y a seize nouvelles chansons écrites par un mec qui n’a pas sorti de disque solo depuis huit ans. Il avait beaucoup de choses à dire, beaucoup de choses à raconter. Tatoués à jamais ressemble à l’artiste que je suis aujourd’hui : cash, sans concession, un musicien à la culture rock qui aime aussi la bonne pop music.

Ce n’est pas un album conceptuel avec un seul thème. La chanson Tatoués à jamais parle de ce que j’ai sur la peau. L’évidence est dédiée à ma femme. Dans Tout roule, qui raconte la cinquantaine, Axel Bauer joue à la guitare. Sa participation, ainsi que celles de Jean-Félix Lalanne et Sarah Jad, c’est la cerise sur le gâteau ! 


Ce projet marque surtout mes retrouvailles avec le guitariste Frantz Fagot que je connais depuis le lycée. J’ai manifesté mon envie de faire un nouvel album solo sur les réseaux sociaux et nous avons repris contact. Tout s’est fait vite et naturellement.

Tu as lancé une campagne de crowdfunding il y a quatre mois, ça a été difficile de financer ton album ?

J’avais les moyens de le produire mais l’aide du public, et quelque part son approbation, m’ont permis de le faire dans de meilleures conditions. On a récolté 20 000 euros avec à peine plus de 150 personnes. Ça représente beaucoup. Le problème aujourd’hui n’est pas de financer un album, mais de ne pas savoir combien de disques on va vendre. Donc on a minimisé la casse grâce à l’argent des internautes. 

J’ai la chance d’avoir un public qui me suit. Ils ont fait ma vie, l’homme que je suis devenu. Je n’ai perdu personne en chemin en avouant mes problèmes et ce que j’ai écrit a parfois servi à d’autres. Mes fans représentent l’essentiel de l’énergie que j’ai pour faire les choses… Sans eux, je ne serais rien. 

En parlant d’avouer tes problèmes, est-ce que le fait d’écrire en 2012 le livre Poudre aux yeux : Sexe & drogues & show-business t’a aidé à te reconstruire ?

Non, c’était trop tôt. Quand j’ai commencé écrire, j’étais en fin de thérapie avec un psychiatre addictologue car j’étais accro à la cocaïne depuis dix-sept ans. Je pensais que l’écriture allait être une libération. Mais tu livres tellement la merde qui est en toi qu’au lieu de la mettre en sommeil, ça fait renaître tes démons. Il y a eu des dizaines de rechutes et des dizaines de faux pas.

Aujourd’hui, j’essaie de faire le plus de prévention possible. Je ne cesserai jamais, car ce problème n’est pas gérable. Il faut une volonté de fer. C’est très compliqué quand on a des moments de doute, de solitude, d’ennui. Je fais donc en sorte que mon planning soit overbooké. La substance est plus forte que l’humain. 

En 1982, Renaud Hantson crée le groupe de hard rock Satan Jokers.
Leur premier album,
Les fils du métal, se vend
à plus de 80 000 exemplaires.

Photo Philippe Wagner

Comment tu expliques cette période sombre de ta vie ?

Michel Berger devait m’écrire un album solo à l’époque. C’était un mentor et un père spirituel pour moi. Il avait énormément confiance en mes capacités. Deux ans après sa mort, j’ai dû admettre qu’il n’était plus là et que le disque ne se ferait jamais. 

J’étais en plein succès grâce à la chanson Apprendre à vivre sans toi. Elle était justement dédiée à France Gall, après la disparition de Michel. À ce moment-là, ma maison de disque a engagé un nouveau directeur général. Il m’a mis au chômage. Il m’a dit : « On va faire un break d’une année, comme ça tu reviens plus fort avec un nouvel album. » Je m’en suis remis à lui. Sauf que le break d’un an s’est transformé en break de deux ans. Je ressentais un tel sentiment d’abandon que je me suis mis à sortir tous les soirs. C’est là que je suis tombé dans la coke.

Quels souvenirs gardes-tu des deux opéras rock que tu as faits avec Michel Berger ?

Pour Starmania, c’était un challenge de reprendre un spectacle qui avait eu beaucoup de succès grâce à des légendes telles que Daniel Balavoine, France Gall, Fabienne Thibeault… J’étais intéressé par un truc de jeune con : je voulais me faire remarquer et faire partie d’une équipe. Quand Michel m’a auditionné, j’avais l’intention d’exploser le personnage de Ziggy. Pour moi, il avait été raté lors de la première version. Il n’avait pas été mis en avant alors que c’est un personnage très humain, touchant… C’est un garçon pas comme les autres, comme dit la chanson ! 

Renaud Hantson lors
de la finale de La Légende de Jimmy.

Photo Philippe Wagner


Puis, j’ai joué dans La Légende de Jimmy en 1990. C’était une fierté que Michel Berger et Luc Plamondon me renouvellent leur confiance et qu’ils m’offrent le premier rôle, celui de Jimmy. Son histoire est liée à celle de James Dean, l’incarnation d’une jeunesse rebelle. Le symbole était important et puis j’étais deux heures sur scène, ça ne s’oublie pas ! (rires)

Dix ans après, tu as créé ta propre école de musique. Pourquoi être passé de la scène à la salle de classe ?

J’aime l’idée de transmettre un art, d’essayer de le maîtriser. On ne devient pas un bon chanteur par miracle. On peut avoir du succès par chance, mais il faut travailler pour avoir du talent ou des qualités vocales. Depuis 2002, je donne des cours collectifs de chant, et aussi de batterie. Cette année, on a une quarantaine d’élèves. Ça me plaît de les voir apprendre ! Gainsbourg disait que la musique est un art mineur. Je ne suis pas d’accord. Pour moi, c’est un art majeur car il aide les gens à vivre.

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